Dans les Bois

Auteur : Emily Carroll
Editeur : casterman
Date de parution : mercredi 6 janvier 2016
Public : 15 ans et plus
Genre : Horreur
Note de la rédaction :

4° de couverture

Une cabane perdue dans la neige et des jeunes filles qui disparaissent tour à tour la nuit venue... Des monstres parasites cachés au fond des bois qui attendent la proie idéale pour faire... leur nid. Emily Caroll nous livre un florilège de contes horrifiques à l'ambiguïté grinçante et nous rappelle cette délicieuse sensation d'avoir peur, confortablement installé sous les couvertures, en toute sécurité. À moins que...

Notre avis

L'avis de Lux ~


Que se passe-t-il dans les ténèbres ? Lorsque la lumière est éteinte et que les monstres deviennent maîtres de ces lieux... L'obscurité nous rend-elle plus forts, ou nous consume-t-elle totalement ? 

Dans les bois on trouve des créatures étranges et des loups, des humains à la dérive et des contes horrifiques à lire la nuit pour trembler sous sa couette. Emily Caroll nous invite à nous égarer dans ces pages au travers de cinq petites histoires dont les thèmes principaux restent les bois et les monstres qui les peuplent. 
Le génie de cette BD est de parvenir à faire peur au détour d'une page, je me suis même surprise plus d'une fois à retenir de petits sursauts angoissés devant des illustrations quelque peu sinistres. Les personnages principaux sont, dans la plupart de ces histoires, déboussolés et perdus, en proie à un déferlement d’événements qui viennent bousculer leur petit monde serein. Ils ne sont pas différents de vous et moi : face au monstrueux, à l'étrange, ils tentent d'abord de se rassurer grâce à des justifications simples et réalistes, mais quand l'horreur revient encore, la plus affreuse des réalités n'est-elle pas d'admettre que le monde lui-même est monstrueux ? Car peut-on vraiment fuir indéfiniment ce qui nous terrifie ? Autant de questions que pose cette lecture et qui sèment finalement le doute chez un lecteur qui ne se sent plus franchement en sécurité chez lui, bien à l'abri de ces monstres qui peuplent les bois. 

Chaque histoire est différente dans sa manière d'appréhender le monstrueux mais toutes se rejoignent sur ce point : ce dernier existe et attend patiemment dans l'obscurité que les événements jouent en sa faveur. L'ambiance générale est lente et oppressante, comme si l'auteur nous laissait entrer de manière progressive dans ses histoires comme elle fait rentrer ses personnages dans les bois. Le résultat est là : le lecteur ressent finalement de l'empathie pour ces derniers qu'il ne peut sauver, et se remet en question une bonne fois grâce au dernier conte dont la moralité n'est que trop éclatante de vérité. 


On retrouve une grande inspiration de l'auteur pour d'autres contes sombres qui ont su marquer et bouleverser la littérature. Mr Edgar Allan Poe et ses Contes macabres (Wink Benjamin Lacombe) dans lesquels des êtres humains déboussolés ou rongés par un mal être tenace sombrent progressivement dans la folie et deviennent des monstres commettant d'horribles crimes. Inspiration certes, à la différence toutefois qu'Emily Caroll ne présente pas seulement les humains. Une panoplie de monstres, des vrais de vrais, rend ses histoires riches et permet de dresser un véritable portrait des peurs les plus fréquentes chez l'homme. Il y aura bien sûr des contes qui parleront plus à certains que d'autres. Personnellement, étant très friande d'histoires de possession, j'ai été tout particulièrement réceptive à "Mon amie Janna". Les amoureux du Petit chaperon rouge apprécieront plutôt, quant à eux, la "Conclusion" de cette BD, et les inconditionnels de Tim Burton se rangeront peut-être un peu plus du côté de "La dame aux mains froides"... Bref, il y en a pour tous les goûts / pour tous les monstres. 

Parlons maintenant du dessin et de l'ambiance générale des vignettes. Point à relever d'ailleurs : Emily Caroll est scénariste ET illustratrice de cette BD, et si à l'origine elle publie ces histoires sur internet, elle en obtient finalement un Eisner Award (prix récompensant chaque année des œuvres de bande dessinée) en 2015 pour "Le meilleur recueil". Vous l'aurez deviné je pense : les illustrations sont très, très sombres et nous immergent complètement dans cette ambiance angoissante / déconcertante que l'auteur met en place dès la première page. Dans les moments de tension extrême, elle choisit d'élargir ses vignettes de plus en plus, pour viser le frisson chez son lectorat qui se trouvera face à une double page effrayante la page suivante. Les dialogues sont assez courts dans l'ensemble, elle privilégie plutôt les phrases sans bulles se fondant dans les illustrations, comme si le personnage principal de chaque histoire nous livrait ses pensées profondes face à la situation qu'il traverse. Les bois ne sont en réalité qu'un prétexte pour parler du monstrueux. Il s'agit finalement du lieu au sein duquel chacun pourra cacher ses secrets ou libérer sa vraie nature. Le danger y est présent, mais les monstres ne viennent pas tous de cet endroit aux arbres tortueux. 

À tous ceux qui s'imaginent encore qu'un monstre vit sous leur lit, ceux qui frissonnent d'angoisse ou d'excitation face à ces forêts denses et mystérieuses, à tous les épris d'horreurs et de contes sombres... Cette lecture est définitivement faite pour vous.

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