Stalker : Pique-nique au bord du chemin
4° de couverture
Des Visiteurs sont venus sur Terre. Sortis d'on ne sait où, ils sont repartis sans crier gare. Dans la Zone qu'ils ont occupée sans jamais interagir avec les hommes, ils ont abandonné des objets de toutes sortes. Objets-pièges. Objets-bombes. Objets-miracles. Objets que les stalkers viennent piller au péril de leur vie, comme une bande de fourmis coloniserait, sans rien y comprendre, les détritus abandonnés par des pique-niqueurs au bord d'un chemin. Adapté au cinéma en 1979 par Andreï Tarkovski, Stalker ou Pique-nique au bord du chemin est le chef-d'oeuvre des frères Strougatski. Un roman qui a eu un tel impact sur le XXe siècle, que c'est sous le surnom de stalkers qu'on connaît désormais les hommes et les femmes qui ont étouffé le coeur du réacteur en fusion de Tchernobyl, entre le 26 avril et le 16 mai 1986.
Notre avis
L'avis de Siana :
Dans Stalker, les extraterrestres sont venus et repartis, laissant un souvenir de leur passage dans certains coins du monde comme autant de zones d’impact, lieux à jamais changés où l’on peut trouver des trésors, mais également une mort atroce.
Pourquoi sont-ils venus et partis ? Qu’est-ce qui s’est passé dans ces zones ? Personne ne le sait, l’humanité ne peut que théoriser sur le sujet. Les zones sont devenues pour elle un nouveau champ d’exploration où tout peut arriver. Ce sont de véritables enclaves. Imaginez un lieu que vous connaissez depuis toujours, vous y avez grandi, c’est peut-être une vallée où vous alliez vous promener ou encore le quartier où vivent certains de vos amis… Et d’un coup ces lieux si familiers sont touchés par des phénomènes inexplicables. Ils deviennent irrémédiablement différents et pourtant vous voyez toujours ces endroits maintes fois parcourus. Ils semblent identiques, mais sont devenus mortellement dangereux. Les personnages de ce roman n’ont pas compris ce qui s’était passé, ils n’ont pas vu les extraterrestres, mais tout a indubitablement changé avec leur passage. Et ces derniers ont laissé des choses derrière eux…
Stalker nous plonge dans ce monde en plein bouleversement, toute une civilisation littéralement heurtée par une autre et qui cherche à comprendre ainsi qu’à s’emparer de ce qui lui a été laissé par les visiteurs. C’est cela que font les stalkers, ils vont dans la Zone et en ramènent ce qu’ils peuvent, certains légalement car ils travaillent pour des instituts scientifiques, d’autres dans l’illégalité pour revendre leur butin au plus offrant. Mais même si l’on survit au voyage, on ne peut espérer sortir totalement indemne de la Zone…
Stalker se divise en cinq parties et toutes, étant espacées de plusieurs années, nous montrent l’évolution de l’activité de stalker, mais aussi celle de l’humanité elle-même de par son contact avec la Zone.
Le prologue, par exemple, est l’extrait de l’interview radiophonique d’un savant, on y évoque la nature de ces zones d’impact et une théorie sur leur origine, mais également la naissance du métier de stalker. Au début le terme ne semble s’appliquer qu’aux personnes qui se rendent illégalement dans la Zone.
Ces « tranches » de vie que constituent les différents chapitres apparaissent comme découpées dans la masse et sont accessibles, tout en n’étant pas non plus parfaitement limpides pour le lecteur qui se tient à l’extérieur du récit. Par exemple, on ne nous explique jamais vraiment à quoi ressemble la « gelée de sorcière » comme la nomment les stalkers et si le contexte permet de se faire une vague idée sur cette chose, elle reste très abstraite pour nous. C’est un bon choix selon moi, ça donne une certaine authenticité au récit et c’est vraiment très bien fait, on en sait toujours suffisamment.
Les chapitres mettent le plus souvent en scène un personnage en particulier, Redrick Shouhart, un stalker, à plusieurs périodes de sa vie. Le premier chapitre est narré à la première personne, créant ainsi une certaine proximité avec le personnage qui semble s’adresser à nous. Les autres mettent un peu plus de distance, mais j’ai pour ma part été fascinée par l’évolution de cet homme. Tout m’a intéressée, ce qu’il est, ce qu’il ne souhaite pas devenir, ce qu’il est obligé de faire, l’évolution de son travail, et voir par son regard tout ce qui a trait à la Zone, du temps où celle-ci n’était pas surveillée à celui où elle est jalousement gardée et largement pillée.
J’aime bien Red, personnage désabusé, mais qui sait rester digne et surtout respectueux de son prochain, ce qui n’est vraiment pas évident dans ce contexte. Il vit dans une société qui s’étiole, il est confronté à toutes sortes d’épreuves, mais pire que celles qu’il vit dans la Zone, il y a son environnement moral, la peur, la haine, la tentation d’être un salopard pour mieux s’en sortir. Mais Red, lui, cherche juste à rétablir l’égalité de ses propres chances. Il ne verse pas dans la bonté excessive ni dans l’extrême misanthropie (même s’il n’en est pas loin parfois), il essaie de s’en sortir tout en restant humain. C’est un personnage magnifiquement construit.
Ce roman est assez cynique, un peu déprimant aussi, mais c’est aussi ce qui en fait l’intérêt. Il sonne juste, donne à réfléchir et a, en tout cas, très bien vieilli. Ce fut pour moi une excellente lecture.