L'Homme qui mit fin à l'histoire

Titre original : The Man Who Ended History : A Documentary
Auteur : Ken Liu
Editeur : Le Bélial'
Date de parution : jeudi 25 août 2016
Public : Adultes
Genre : SF
Note de la rédaction :

4° de couverture

Imaginez un procédé scientifique révolutionnaire permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée. Par une seule et unique personne. Sans aucune possibilité pour l'observateur d'interférer avec l'objet de son observation. Un procédé qui ouvre les portes de la connaissance, de la vérité, sur les périodes les plus obscures de l'histoire humaine. Plus de mensonges. Plus de secrets d'Etat. Avez-vous déjà entendu parler de l'Unité 731 ? Créée en 1932 sous mandat impérial japonais, dirigée par le lieutenant-général Shirö Shii, cette unité militaire de recherche bactériologique se livra à l'expérimentation humaine à grande échelle dans la province chinoise du Mandchoukouo, entre 1936 et 1945, provoquant la mort de près d'un demi million de personnes… Cette invention révolutionnaire va enfin permettre de savoir la vérité sur ces terribles événements, à peine reconnus en 2002 par le gouvernement japonais, et couverts pendant des années par le gouvernement américain. Quitte à mettre fin à l'Histoire…

Notre avis

L'avis de Siana : 5/5

Je n’avais pas lu la quatrième de couverture. Je suis arrivée confiante, parce que c’était Ken Liu. Je pense avoir bien fait, je vous encourage donc à zapper cette chronique et à vous procurer cette novella sans rien savoir de plus.
Si malgré mes avertissements vous n’avez pas envie de vous jeter dans l’inconnu, voici mon avis :

La forme m’a tout d’abord interpellée. L’Homme qui mit fin à l’histoire est construit comme un documentaire, ou plutôt comme la transcription de celui-ci. Notes de production, plans minutieusement décrits, explications préliminaires, témoignages… L’auteur a parfaitement créé l’illusion. Le début est un peu déroutant mais, très vite, on y croit.
S’il vous était offert de voir le passé une unique fois, quel moment choisiriez-vous ? Quel lieu ? Et pourquoi ?
Anticiperiez-vous également tout ce que cela peut impliquer sur le plan moral ?
Dès les premières minutes du documentaire, une théorie nous est exposée : voir le passé serait possible. Cependant, à partir du moment où le « voyage » est effectué, ce pan de l’histoire devient inaccessible pour d’autres. Si l’idée est née de bonnes intentions, on la verra attaquée, dévoyée, puis remisée par un monde qui n’est pas prêt à regarder son passé en face.
Les deux personnages principaux espéraient mettre en lumière une période particulièrement sombre de l’histoire, mais pas si éloignée que ça. Si j’ai souvent entendu parler des expériences menées par les Allemands sur les prisonniers durant la seconde guerre mondiale, ce n’était pas le cas pour celles des Japonais sur les Chinois. À dire vrai, quand j’ai étudié cette période au lycée, les cours étaient très centrés sur l’occident… Aussi, j’ai trouvé cet ouvrage, basé sur des faits historiques rigoureusement vrais, intéressant.
Cette novella mêle science-fiction et histoire pour mieux développer plusieurs problématiques qui ont nourri ma réflexion. Quand j’en ai parlé à une personne de mon entourage, il m’a été répondu : oui mais c’est faux, c’est juste de la SF. Réponse qui m’a exaspérée. La puissance de la SF est justement qu’elle permet de repousser les barrières de la réflexion, de décloisonner un problème pour l’appréhender sous d’autres angles.
Comment l’humanité réagirait-elle face à un tel procédé ? L’utiliserait-elle à bon escient ou pour détruire la vérité ? Accepterait-elle les témoignages de ses pairs ou s’enfoncerait-elle davantage dans le négationnisme ?
D’un point de vue éthique et humain, mais également historique, cette novella est passionnante. Certains passages m’ont bouleversée et je ne peux que vous recommander cette lecture.

L'avis d'Exécutrice : 5/5

Bien qu’étant une courte novella, L’Homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu est le genre de livre qui vous fait réfléchir. Écrit sous la forme d’un documentaire, cette histoire est déroutante à plus d’un titre. Tout d’abord par sa forme donc, puisque ce n’est pas un récit linéaire mais une série de témoignages et de voix-off. Mais aussi dans le fond puisque Ken Liu raconte ici une histoire à la fois fictive et réelle, celle de deux chercheurs qui trouvent un moyen de visiter le passé et qui choisissent d’aller voir un moment réel de l’histoire asiatique, celle des camps de « concentration » japonais en Mandchourie pendant la Seconde Guerre Mondiale et plus précisément l’Unité 731.

J’ai été bouleversée par les témoignages des protagonistes, tellement durs, d’une atrocité sans borne et surtout tellement réalistes. J’ai bien sûr été très intéressée par le côté historique du roman puisqu'il s'agit d'une histoire vraie, et particulièrement terrible de surcroit. La surcouche de SF, cette façon bien précise de voyager dans le temps et les conséquences que cela implique, m’a également beaucoup intéressée. Et surtout, c’est très étrange mais je n’ai pas du tout l’impression d’avoir lu une fiction. Ç’en est pourtant bien une, même si l’Unité 731 et ses crimes atroces sont bien réels, toute la surcouche SF et le cadre dans lequel l’histoire prend place sont de la fiction.

Ce court roman nous oblige à réfléchir sur les implications du travail d’historien ou d’archéologue. Il nous encourage à soulever des pans obscurs de nos histoires, pour la postérité, pour la recherche de la vérité. En tout cas c’est ainsi que je le ressens en tant qu’historienne novice. Mais il nous fait également nous interroger sur les implications que la recherche historique, notamment pour l’histoire contemporaine et immédiate, peuvent avoir sur les peuples, sur les victimes, sur les relations entre les pays, etc. Alors qu’aujourd’hui encore beaucoup de pays pratiquent la manipulation des faits historiques, souvent le signe de régimes dictatoriaux, il est plus que jamais utile de former des historiens et de soulever les tapis pour voir ce qui peut bien se cacher dessous.

 

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