Only Lovers Left Alive

Réalisateur : Jim Jarmusch
Date de sortie : mercredi 19 février 2014
Note de la rédaction :

Synopsis

Dans les villes romantiques et désolées que sont Détroit et Tanger, Adam, un musicien underground, profondément déprimé par la tournure qu’ont prise les activités humaines, retrouve Eve, son amante, une femme endurante et énigmatique. Leur histoire d’amour dure depuis plusieurs siècles, mais leur idylle débauchée est bientôt perturbée par l’arrivée de la petite sœur d’Eve, aussi extravagante qu’incontrôlable. Ces deux êtres en marge, sages mais fragiles, peuvent-ils continuer à survivre dans un monde moderne qui s’effondre autour d’eux ?

Source : Première

Résumé (spoiler)


Notre avis

L'avis d'Oskarya

Adam et Eve sont des vampires. Lui est musicien, solitaire, torturé, il habite un quartier abandonné de Détroit, à l’écart du monde. Elle, sa femme depuis des siècles, habite Tanger entourée de ses livres et de son ami écrivain. Chacun a sa vision du monde qui l’entoure et des humains. Adam déprime face à l’autodestruction que s’inflige l’humanité. Eve est plus confiante, moins encline à se laisser aller dans la morosité ambiante. Lorsque Adam lui fait part de son mal-être elle le rejoint à Détroit. Leur relation, fusionnelle et passionnelle, est alors mise à mal par l’arrivée d’Ava la sœur d’Eve.

L’humain s’autodétruit, les vampires s’adaptent pour survivre. On pourrait résumer ainsi ce film, mais c’est bien plus que ça. Et contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre, il ne s’agit pas d’une romance, mais d’un constat amer sur notre société actuelle. Tout y est aseptisé, les décors, les personnages, enlevant ce qui pourrait rendre le film réaliste, trop réaliste… Le côté fantastique est là, pas d’effets spéciaux à tout va, pas de grand effet visuel, on est dans la recherche d’un certain esthétisme aussi froid et mystérieux que le sont les vampires. Le film est tourné entièrement de nuit, ce qui lui confère une ambiance sombre, mystique et fantastique. Les seules taches de couleur proviennent du sang dont ils se nourrissent. Ce sang indispensable est devenu si rare car contaminé par la folie humaine. Contamination aussi mortelle pour l’un que pour l’autre. D’humains Eve et Adam n’ont que l’apparence, simple apparence car même leur lien sentimental a quelque chose de surnaturel et d’irréel. Leur longévité, leurs connaissances du passé, leur savoir cumulé, leur amour pour certains humains est touchant, et leur vision divergente sur l’humanité qui les entoure nous offre une réflexion intéressante sur notre monde actuel et passé.

Les questions posées par ce film sont nombreuses, magnifiques, parfois simples, souvent profondes. J’aime le côté propre de l’image qui enlève une certaine réalité tout en donnant froid dans le dos. La musique, mélancolique, est magnifique, le rythme lent et réfléchi. Le temps qui passe, qui semble changer les choses tout en les laissant  immuables. Ce paradoxe de la modernité auquel on doit tous faire face. Un film à voir et à revoir pour en saisir tous les secrets. 

 

Avis de Perseneige

En cette période d'Halloween, je choisis de vous parler du film qui m'a le plus marquée, Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch. 

Les personnes me connaissant savent que les vampires sont mon sujet de prédilection. J'admire ces créatures mélancoliques, condamnées à errer pour l'éternité dans un Monde qui n'est pas le leur... L'être le plus marginal, le plus en désaccord avec le monde... Les vampires ne peuvent que me passionner, et ce depuis mon enfance.

Only Lovers Left Alive commence sur un plan de ciel étoilé qui tourne. Peu à peu, ce ciel se transforme en vinyle tournant lui aussi, puis on nous présente les deux amants : Adam et Eve. L'un à Détroit dans un monde de musique  et l'autre à Tanger dans un monde de littérature. Les plans présentant les personnages sont construits comme de véritables Vanités : la connaissance, les savoirs accumulés qui ne servent à rien puisque nous sommes tous voués à mourir, le temps sera toujours plus fort. Dès lors, j'ai été conquise, la musique m'a transportée. Le réalisateur/scénariste a utilisé le symbole récurrent du cercle, à travers la présence des motifs ronds, mais aussi des plans montrant soir après soir la vie monotone, sans surprise, de ces créatures, pour nous faire voir que toute vie n'est qu'un éternel recommencement. Chaque journée n'est qu'une fade copie de la veille et du lendemain. Ici, Adam et Eve sont voués à vivre loin l'un de l'autre pour mieux se retrouver, puis croiser le chemin de la jeune sœur d'Eve, Ava, véritable reflet contraire, elle est le Mister Hyde, de sa sœur, voire d'Adam. 

L'amour des deux protagonistes est subtil. Ils sont le Yin et Yang l'un de l'autre : elle est en blanc, montrant sa volonté de faire face au temps qui passe et contre lequel on ne peut rien  ; il est en noir, mettant en scène un nouvel Hamlet, personnage prisonnier de sa mélancolie, qui ne supporte plus l'existence sans pour autant oser y mettre fin... Ils se complètent dans une harmonie parfaite. 
Je ne peux dire tout ce que j'ai vu dans ce film tant il est rempli de références sur tout ce qui me passionne  : la fuite du temps, le mal des passions on a des références à Poe, Byron, la mythologie des vampires, Shakespeare, le monde qui court à sa perte à cause des humains, l'histoire de deux êtres épris l'un de l'autre en marge d'un monde qu'ils ne reconnaissent plus, dans lequel ils ne peuventplus vivre. Leurs noms ne sont pas un hasard, ils sont véritablement le symbole de l'Homme chassé du Paradis qui se retrouve à errer en vain sur Terre attendant la mort, la délivrance.

C'est à travers le prisme vampirique que Jim Jarmusch nous pose les questions existentielles de l'humanité : Qui sommes-nous ? Pourquoi sommes-nous là ? Que sommes-nous en train de devenir ? Être ou n'être plus ? ... La performance des acteurs est saisissante, Swinton et Hiddleston sont magnifiques, au-delà des canons de la beauté, ils sont terriblement envoûtants. Ils incarnent à la perfection ce que sont les vampires, ils ne sont pas fascinants parce qu'ils sont beaux, ils sont beaux parce qu'ils sont fascinants. 

Ce film m'a énormément touchée, je me suis trouvée confrontée à tout ce que j'affectionne, et toutes les interrogations que je me pose sur l'existence.


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