4° de couverture
Molly participe à des fouilles dans une ancienne station-service. Elle déterre un jour des objets dont la nature perturbe sa conception d'un univers logique, comme cette Bible où Dieu est au féminin. Chez elle, Molly doit affronter une situation tout aussi perturbante : son mari a dû se rendre à l'étranger pour donner un concert, la laissant seule avec leurs deux enfants en bas âge. Mais voilà qu'un soir elle entend des bruits de pas dans le salon...
Un intrus surgit alors dans sa vie, un intrus très particulier, puisqu'il s'agit... d'elle-même ! Une Molly identique, à une différence près : cette Molly-là a perdu ses deux enfants dans un attentat sur son lieu de travail. Débordée par son rôle de mère, Molly se retrouve confrontée à une femme qui veut récupérer ses enfants à tout prix. Les deux Molly sont-elles les deux facettes d'une même femme au bord de l'effondrement, ou la trame de l'Univers s'est-elle vraiment déchirée ? Deux mères presque semblables peuvent-elles cohabiter...
Avec ce roman palpitant, Helen Phillips réussit un tour de force : traiter le lien maternel dans ce qu'il a de plus concret tout en créant un climat haletant, ponctué de rebondissements aussi ingénieux que troublants.
Notre avis
L'avis de Siana :
Il est fort dommage que le résumé de l’éditeur dévoile un point clé de l’intrigue alors que la découverte intervient tard dans le roman. Savoir à quoi on doit s’attendre amoindrit l’angoisse et l’incompréhension qui font la force de cette histoire. Cependant, comment parler de l’ambiguïté de ce récit sans dévoiler ce pivot ? Je vais faire de mon mieux pour ne pas trop en dire tout en vous expliquant pourquoi ce roman est si particulier.
Molly est paléobotaniste et elle travaille sur un site étrange, une ancienne station service où les fossiles floraux abondent. Les plantes que ses collègues et elles trouvent dans la fosse sont des spécimens inconnus. Mais il n’y a pas que des plantes dans la fosse… Molly y découvre des objets qui semblent anodins. Pourtant, si on leur porte un minimum d’attention, on se rend compte que quelque chose cloche.
Et dans la vie de Molly aussi, quelque chose cloche. Depuis la naissance de ses enfants, elle perd parfois le fil. Elle entend ou voit des choses qui ne sont pas là et a besoin de se raccrocher à quelque chose de concret, ou quelqu’un comme son mari. Celui-ci la rassure, lui dit que c’est le manque de sommeil, la fatigue liée aux sollicitations permanentes de deux jeunes enfants. Et il a peut-être raison.
Mon avis sur ce roman est aussi ambigu que l’histoire qu’il raconte, au demeurant fort bien. J’ai adoré la première moitié et j’ai enchaîné les pages avec fascination. Même en sachant ce qui allait arriver parce que j’avais lu la quatrième de couverture, j’étais prise dans l’histoire. Les chapitres courts renforcent l’impression d’urgence et de malaise qui imprègne le récit. Les intrigues psychologiques marchent bien avec moi. En outre, ce roman est très bien écrit. Puis est arrivée la deuxième moitié et j’ai peiné à achever cette lecture. Je n’en voyais plus la fin. Certes l’ambiance est pesante, mais c’est surtout l’aspect répétitif des événements, l’impression de ne pas savoir où j’allais et de finir embourbée dans une histoire qui se délitait qui m’ont plombée.
La narration à deux vitesses, décalée comme en écho, de la première moitié ne m’a pas égarée, au contraire, j’ai trouvé qu’elle ajoutait à l’ambiguïté du personnage et donnait de l’élan à l’histoire. En revanche, bien qu’elle soit parfois fragmentée, la deuxième moitié devient plus linéaire, plus lourde, mais aussi encore plus sombre. À mesure que le malaise s’enlisait, mon intérêt est retombé comme un soufflé. J’ai eu trop de mal à comprendre les agissements et les choix de Molly. L’autrice m’a perdue à un croisement et j’en suis la première désolée car ce roman possède un très grand potentiel.
C’est peut-être à cause de la façon dont Helen Phillips a exploité son idée que cela n’a pas pris avec moi. J’ai bien compris qu’elle souhaitait faire de sa réflexion sur la maternité le point focal de l’histoire, mais à mon sens elle a ignoré quelque chose d’important. La faille n’est au final qu’un prétexte à l’uchronie personnelle (alors pourquoi lui avoir donné tant d’importance ?) et ladite uchronie s’égare. Elle perd de sa subtilité pour gagner en narcissisme et on perd de vue son message. Je n’ai plus vraiment su où l’autrice voulait nous emmener, ce qui a nuit à sa véritable cible : décrire l’ambivalence de la maternité. Cela aurait pu ne pas me déranger, je n’ai pas besoin de tout savoir ni de tout comprendre, mais ça l’a fait.
La fin m’a déçue. Je pense avoir saisi l’essence de ce roman, mais pas sa conclusion. Dans la deuxième moitié, le propos n’a cessé de se diluer jusqu’à ce que tout cela perde son sens à mes yeux et aucune loupiote ne s’est allumée dans les dernières pages pour m’éclairer.
Pourtant, ce roman reste une réflexion fascinante sur la maternité, sur ses joies et ses désespoirs, sur l’animalité qui se cache sous le vernis de la civilisation, sur l’écrasante responsabilité qui s’abat sur vous quand vous devenez parent. C’est une lecture très déstabilisante, qui vous donnera sans doute des bouffées d’angoisses. Moi qui ne suis pas mère, je l’ai pourtant ressentie assez violemment et pour être honnête je ne sais pas comment j’aurais réussi à l’encaisser si j’avais des enfants. Si un roman peut vous enlever l’envie d’enfanter, c‘est bien celui-ci… Cependant, il a aussi des choses à nous apprendre sur notre nature profonde.