La Mer sans Étoiles

Titre original : The Starless Sea
Editeur : Sonatine
Date de parution : jeudi 15 octobre 2020
Public : Adultes
Genre : Fantastique
Note de la rédaction :

4° de couverture

" Aucune histoire ne s'achève jamais vraiment tant qu'elle continue à être racontée. "


Dans la bibliothèque de son université, Zachary Ezra Rawlins trouve un livre mystérieux, sans titre ni auteur. Découvrant avec stupéfaction qu'une scène de son enfance y est décrite, il décide d'en savoir davantage. C'est le début d'une quête qui le mènera à un étrange labyrinthe souterrain, sur les rives de la mer sans Étoiles. Un monde merveilleux fait de tunnels tortueux, de cités perdues et d'histoires à préserver, quel qu'en soit le prix...

Notre avis

L'avis de Siana

Zachary a toujours aimé la lecture et depuis quelques temps il ne vit plus que dans les livres, le temps de guérir, car la vie s’est révélée décevante. Il est étudiant et il adore ce qu’il fait. Il a une seule amie proche et sa vie sociale avoisine le néant. Pour autant, c’est quelqu’un d’équilibré et de sympathique. Il ne cherche pas vraiment à s’enfermer. On se reconnaît facilement en lui. Il ne s’attend à rien de particulier, mais un jour il trouve le livre...
Un jeune homme tout ce qu’il y a de plus banal tombe sur un livre mystérieux dans une bibliothèque. Il le lit, il l’aime, il découvre un peu de son histoire à l’intérieur. Quel grand lecteur, a fortiori de fantasy ou de fantastique, peut rester insensible à cette simple accroche ? On a envie d’en savoir davantage et ce roman est tellement plus que cela.
La Mer sans Étoiles est de ces romans étranges qui, l’air de rien, vous capturent. On y pénètre comme en un labyrinthe composé d’histoires entrelacées, avec espoir, candeur ou circonspection, pour se rendre compte après quelques chapitres qu’on s’y est volontairement égaré et qu’on ne demande pas mieux que de s’y égarer davantage.
La narration éclatée peut surprendre et former une barrière dans les premiers chapitres. Des récits disparates foisonnent de toutes parts. Certains sont de brèves étoiles filantes et d’autres semblent voués à devenir des fils conducteurs. Pour moi qui me délecte de ce type de construction, c’est jubilatoire, mais je peux comprendre que ça ne convienne pas à tout le monde. Il faut être dans le bon état d’esprit pour plonger dans ce roman exigeant, accepter de lui donner toute son attention, toute sa patience, je dirais même qu’il faut faire acte de foi en le lisant. Il ne peut vous rendre que ce que vous lui donnerez. J’aime ces romans qui prennent autant qu’ils offrent, qui s’impriment à jamais dans la cartographie de votre imaginaire et hantent vos rêves. J’ai su presque immédiatement qu’il serait de ceux-là et que je pourrais le lire des centaines de fois sans m’en lasser.
La Mer sans Étoiles est un tissage complexe d’histoires qui ne semblent pas forcément liées de prime abord. On oscille sans cesse entre un onirisme flou et une réalité qui glisse inexorablement vers l’étrange. Vous lirez entre ces pages des extraits de journaux, des contes, des bribes de vie çà et là, en marge de ce qui semble être l’arc principal. Toutefois, ne vous y trompez pas, tout est lié, le moindre détail compte. Parfois vous remarquerez l’un de ces détails du coin de l’œil et vous serez fier de vous, parfois il s’envolera sans que vous le captiez et son importance vous sautera aux yeux bien plus tard, vous désarçonnant peut-être.
Toutes ces histoires enchâssées les unes dans les autres vous rappelleront peut-être des matriochkas, mais elles forment aussi ensemble les pièces d’un tangram, arrangées de maintes et maintes façons. Toujours semblables pour un résultat toujours différent. Au début, il me semblait qu’elles constituaient une spirale qui n’avait pour but que de m’attirer au centre et il y a aussi un peu de ça. Erin Morgenstern vous leurre dans une galerie de miroirs entre de nombreux reflets déformés. Elle vous donne l’impression de participer à l’histoire. C’est un merveilleux roman, écrit avec une virtuosité sans pareille.
Qui ne rêverait pas de se perdre dans cet univers à la consistance des songes ? Qui ne voudrait pas passer des portes peintes pour parcourir la mer sans étoiles et respirer l’air hanté auprès de ces personnages aussi singuliers qu’attachants ? J’ai suivi leurs aventures avec passion, fait des recoupements, posé des hypothèses et j’ai aimé ce livre comme cela m’est rarement arrivé dans ma longue vie de lectrice.
Dans cette ambiance feutrée, qui peut se révéler aussi intrigante et exaltante que dérangeante, je me suis sentie chez moi, un chez moi que je ne savais pas avoir. Une part de ce roman restera à jamais avec moi.
Zachary parle de moments signifiants, des moments qui vont tout changer dans la vie de quelqu’un, même si un œil extérieur peut parfois les juger anodins. La Mer sans Étoiles est un roman signifiant. J’ai eu la chance, dans ma vie de grande lectrice, de trouver quelques-uns de ces livres magiques qui vous accompagnent et continuent de vous nourrir tout le reste de votre existence. Les histoires de Erin Morgenstern ont résonné dans mon imaginaire et éveillé de nombreux échos. Une chose est sûre : je veux encore parcourir la mer sans étoiles et respirer l’air hanté.
Magnifiquement écrit, d’une élégance rare et d’un symbolisme riche, ce roman a été conçu pour les grands lecteurs et les rêveurs, les amateurs de jeux de pistes et les téméraires qui ne craignent pas de se perdre. C’est une petite merveille.

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