Le sang jamais n'oublie
4° de couverture
Larispem, 1899.
Dans cette Cité-État indépendante où les bouchers constituent la caste forte d'un régime populiste, trois destins se croisent... Liberté, la mécanicienne hors pair, Carmine, l'apprentie louchébem et Nathanaël, l'orphelin au passé mystérieux. Tandis que de grandes festivités se préparent pour célébrer le nouveau siècle, l'ombre d'une société secrète vient planer sur la ville. Et si les Frères de Sang revenaient pour mettre leur terrible vengeance à exécution ?
Notre avis
Avis de Lux ~
Larispem n'est pas un lieu qui nous est si étranger que ça. Je vais même vous dévoiler un petit truc de suite : il se trouve en France. Pour tout vous dire, il s'agissait même autrefois de sa capitale, alors connue sous le doux nom de Paris. Oui mais comme dirait l'autre : ça, c'était avant ! Avant que les petites gens, fatigués de l'oppression des aristocrates ne décident de prendre les armes afin de créer une seconde révolution. C'est dans les années 1870 que cette dernière a lieu, dans un Paris en proie à des inégalités énormes, confronté au régime Napoléonien qui, pour les Français, ne fonctionne pas. Trois citoyens dressent les foules pour se révolter : Gustave Fiori, Michelle Lancien et Jacques Vilain. Ces derniers laissent deux choix aux aristocrates : fuir ou périr. Le but de ces trois protagonistes est alors de construire, avec l'aide de Jules Verne, une cité-état indépendante de France qui n’obéira qu'à certains codes promettant liberté et égalité . Premier grand changement : les bouchers (ou louchébem) deviennent la caste forte. Ces derniers sont à présent vus comme des semi-dieux et disposent de leur propre argot, qui permettra d'ailleurs de rebaptiser Paris en Larispem. Les aristocrates, tapis dans l'obscurité, attendent quant à eux leur heure...
Voilà pour ce qui est des bases du roman, qui est finalement bien plus complexe qu'il n'en a l'air. Autant le dire tout de suite : c'est une recette qui fonctionne, à un bémol près, vraiment bien. Je me suis laissé emporter par l'intrigue dès la première page, bercée par ces élans de révolution et de désir d'égalité et d'un monde meilleur. Les personnages principaux ne sont pas extrêmement charismatiques, mais restent cependant attachants. Préférence toutefois pour les personnages secondaires, plus âgés et plus expérimentés, qui permettent de faire avancer le récit grâce à leurs histoires passées (flashbacks etc). Je ne peux trop en dire sur l'histoire car il s'agit réellement de se plonger dedans pour apprécier l’œuvre à juste titre, mais c'est une lecture que je recommande pour l'aspect original et pour les mystères que nous réserve Larispem dans les prochains tomes (profitons-en d'ailleurs pour glisser l'air de rien que le tome 2 devrait être disponible d'ici Mai 2017). Pour les mordus de sorcellerie, sachez également que le titre de ce premier tome Le sang jamais n'oublie fait référence à un pacte conclu entre plusieurs familles aristocratiques. Pacte alliant magie noire et désir de vengeance...
Très bonne intrigue, personnages attachants, une course poursuite dans l'ancien Paris... Le roman aurait pu continuer sur cette excellente lancée mais j'y trouve toutefois un bémol qui m'a parfois empêchée de savourer pleinement ma lecture : Les bouchers en tant que classe forte de Larispem, maintenant considérés comme des semi-dieux. Je comprends bien sûr qu'après la seconde révolution, il convenait de placer au centre de ce monde un métier technique et manuel, autrefois perçu par les aristocrates comme dégradant ou pas assez noble. Je ne comprends cependant pas ce choix dans un univers qui se veut futuriste, qui prône l'humanisme et l'égalité. Pourquoi ne pas mettre en avant, par exemple, le métier de Liberté (l'une des héroïnes, car Carmine, la seconde, est apprentie louchébem) qui s'occupe, en tant que technicienne, de trouver des solutions et réparer des objets défectueux pour leur donner une seconde vie ? La liste était longue, et je regrette quelque peu ce choix bien qu'il trouve une certaine justification : l'argot et le langage des bouchers. A savoir que le livre en est rempli, et l'auteur elle-même avoue avoir trouvé l'inspiration de cette œuvre en découvrant son existence (car oui, il existe dans la vraie vie).
Les Mystères de Larispem reste pour moi une uchronie vraiment intéressante. On se doute bien que ce premier tome n'est qu'un prologue et que la suite nous réserve de nombreux rebondissements et une meilleure compréhension du passé des aristocrates (avec, je l'espère, plus de détails concernant leur pacte de sang). L'auteur parvient tout de même à mettre en place un univers mélangeant de nombreux styles : steampunk, fantastique, événements historiques. Le tout, parfaitement dosé, permet au lecteur de se plonger dans un monde atypique comme on en voit peu en littérature.