Feuillets de cuivre
4° de couverture
Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d'une prostituée, premier d'une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l'âme mutilée par son passé et au corps d'obèse, l'inspecteur Ragon n'a pour seule arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire.
À la croisée des feuilletons du XIXe et des séries télévisées modernes, Feuillets de cuivre nous entraîne dans des Mystères de Paris steampunk où le mal le dispute au pervers, avec parfois l'éclaircie d'un esprit bienveillant... vite terni. Si une bibliothèque est une âme de cuir et de papier, Feuillets de cuivre est sans aucun doute une œuvre d'encre et de sang.
Notre avis
L'avis de Siana :
Peut-être avez-vous déjà croisé Ragon, notamment dans l’anthologie steampunk des éditions du Chat Noir : Montres Enchantées. Avec Feuillets de cuivre, nous avons enfin l’occasion de le connaître davantage, en le suivant du début de sa carrière jusqu’à la toute fin de celle-ci. Homme brillant, féru de littérature, intuitif mais méthodique, mesuré mais prompt à la compassion, Ragon est un personnage très attachant. Son corps le trahit d’une façon qui prend tout son sens à mesure qu’on apprend qui se cache derrière ce policier simple et complexe à la fois. Si les enquêtes intriguent le lecteur et gagnent en intensité au fur et à mesure, il en va de même pour l’intérêt envers le personnage lui-même.
Ragon est de loin mon préféré, mais les personnages secondaires ne sont pas pour autant transparents. Ils apportent beaucoup au récit. J’ai adoré Zehnacker et Fredouille. Le grand méchant de l’histoire, quant à lui, n’est pas si prévisible qu’on pourrait le croire, même si l’auteur distille des indices permettant de le reconnaître et de comprendre ses motivations.
Ce roman puzzle, auquel le lecteur est invité à participer activement, est divisé en deux parties. La première regroupe dans l’ordre chronologique les enquêtes les plus marquantes de la carrière de Ragon. La seconde voit la révélation de sa Némésis et, au travers de nouvelles enquêtes, la poursuite de celle-ci. La construction de l’ouvrage est intéressante et m’a beaucoup plu. La trame se complexifie à mesure et happe le lecteur.
Feuillets de cuivre est un roman feuilleton, entre le steampunk et le polar. C’est de la littérature populaire de grande qualité. Il prend la forme d’un fix up. Il est composé de textes qui s’apparentent à des nouvelles, mais sont liés. Les pistes se croisent, se rejoignent… Ces intrigues imbriquées impliquent le lecteur et l’incitent à poser ses propres hypothèses pour, peut-être, prendre le héros de vitesse.
Ragon est un érudit, il résout ses enquêtes grâce aux livres. Cela est d’autant plus prégnant dans la seconde partie car son ennemi juré a choisi de le défier sur son propre terrain. Cela nous donne un texte d’une grande intelligence, empli de références littéraires ou culturelles. Mais si vous ne les possédez pas toutes, cela ne vous empêchera pas d’apprécier cette lecture et de suivre l’enquête.
L’ambiance steampunk est peu marquée, c’est le polar qui domine, mais une technologie alternative, ainsi que de la magie font tout de même des incursions dans le scénario. Cela est justement dosé et jamais au détriment de la cohérence. Dans Feuillets de cuivre on ne résout pas les énigmes sans réflexion, juste en claquant des doigts ou en utilisant le surnaturel comme explication standard déracinée de tout mobile ou logique. En tant que lectrice, c’est quelque chose que j’apprécie particulièrement.
Pour terminer sur une note un peu futile, j’ajouterai que l’objet-livre est superbe et fait un peu old school. La couverture est cartonnée et agréable au toucher, le titre cuivré. On se sent dans l’ambiance avant même de l’ouvrir. C’est peut-être de l’ordre du détail, mais cela possède indéniablement un certain charme. Feuillets de cuivre fut une excellente lecture.
L'avis de Chani
Dans ce recueil aux accents de feuilleton, genre populaire au XIXème siècle, Fabien Clavel met en scène l’inspecteur Ragon dans un Paris de la Belle Époque steampunk, mais néanmoins très proche du nôtre. Le lecteur va suivre l’évolution de la carrière du policier, mais aussi, en filigrane, sa vie personnelle, à travers les enquêtes qui nous sont racontées au fil des pages.
Curieux, observateur et érudit, Ragon aime à répéter que la réponse est toujours dans les livres. C’est donc à travers les romans et autres carnets présents sur les scènes de crime que le policier résout ses enquêtes. C’est un personnage jovial, intelligent et sensible que le lecteur prend plaisir à suivre, d’autant que son ouverture d’esprit lui permet de souscrire aux théories incorporant une part de surnaturel. Ces éléments fantastiques sont d’autant plus mis en valeur dans la seconde partie du recueil, où tous les crimes se trouvent liés entre eux. La plume de l’auteur rend l’ensemble cohérent et crédible, c’est un régal à lire. Fabien Clavel a très bien réussi à créer une ambiance propre au livre, tant et si bien que le lecteur se retrouve vraiment catapulté au XIXème siècle. Les références littéraires sont nombreuses, mais pas d’inquiétude à avoir si vous n’êtes pas un expert de la période, le propos de l’auteur n’est pas excluant, je ne suis moi-même pas une spécialiste, ma connaissance du XIXème est plutôt généraliste et je ne me suis pas sentie mal à l’aise face à l’érudition de Ragon.
Feuillets de cuivre est vraiment un roman feuilleton envoûtant, qui fait voyager le lecteur dans le passé, merveilleusement bien écrit et intelligent. Cerise sur le gâteau, l’objet livre est superbe, une autre bonne raison de vous le procurer !
Commentaires: Ajouter un commentaire
Siana Le mardi 19 janvier 2016 à 4:42Tu n'es pas au bout de tes surprises. ;) Je lirai volontiers ton avis et, en attendant, bonne lecture !